JOURNAL
DES REPETITIONS
Une Algérie 1830 - 1954
NOVEMBRE 2006
Le 1er novembre,
Aujourd’hui nous commençons les premières répétitions
de notre nouvelle création collective. Nous en avions terminé
l’écriture en juillet et cette fois-ci nous avons travaillé
en collaboration avec Gherardo Vitali-Rosati, un jeune dramaturge italien.
Vous avez déjà pu le rencontrer, car Gherardo joue avec
nous dans George Dandin et La Forteresse.
Nous sommes donc à l’aube des premières improvisations
et nous nous répartissons les responsabilités. Arnaud se
consacrera à la coordination et à la mise en scène,
Mathias sera à la scénographie. Maud devient responsable
de notre salle de couture et Isabelle (ça c’est moi) de notre
salle de répétition (désormais appelée La
Grange, c’est bientôt notre théâtre !). Stéphanie
confectionnera les costumes, Amélie fera la reprise de plume, Moussa
élaborera notre calendrier et Stéphane… Ah, c’est
une surprise !
Alors au programme ? Et oui, l’Algérie des années
1827 à 1954. Presque 130 ans d’histoire.
Une histoire qui nous est à la fois proche et lointaine, celle
de la colonisation de l’Algérie par la France. La colonisation,
thème récurrent de nos recherches. Ce nouveau spectacle
sera le second volet de notre diptyque commencé avec La Forteresse.
Et pour apprivoiser cette fresque historique, la tragédie s’est
imposée à nous comme structure narrative.
La citation de Tocqueville nous donne le ton: « L’Algérie
deviendra tôt ou tard une arène murée où les
deux peuples devront combattre sans merci et où l’un des
deux devra mourir. »
Tout est là. Le plateau nous indiquera une fois de plus le chemin
du théâtre.
Le 6 novembre,
Suivant notre traditionnelle méthode de travail en troupe, Arnaud
tire au sort les équipes.
Il nous propose de travailler sur trois scènes. Mais dans les trois
groupes se pose très vite le problème de la scénographie.
Naturellement nous revenons à l’une de nos matières
premières, la tenture. Elle prend diverses couleurs, diverses formes.
Devant, derrière, pleine ou découpée. Terre, café,
projecteurs, elle se fait toile d’un tableau. Et nous voici devant
le paysage désertique d’une plaine brûlée par
le soleil et balayée par les vents.
Le 9 novembre,
Nouvelles scènes. Nous prenons connaissance du texte, intimement.
De ses ambiances aussi. La représentation picturale vient soutenir
l’imagination. Les peintures de Delacroix, de Vernet, de Manet…
Parfois c’est magnifique. Parfois c’est à côté.
Pourtant lorsque trois groupes improvisent sur la même scène
cela donne trois points de vue complémentaires.
Nous jouons les soldats de dos, de face, de profil. Nous nous approprions
tout l’espace de la Grange et nous nous décollons de la tenture.
Moussa surgit alors de derrière une dune, comme le diable surgit
de sa boîte.
Le 13 novembre,
Les personnages de notre pièce sont nombreux. Nous sommes sept
acteurs. Mais nous n’avons pas pour habitude de brider nos envies
pour cause de problèmes techniques.
Alors nous inventons. Comment représenter une armée ? Une
ville ? Un pays ?
Les personnages nous posent bien des interrogations, car beaucoup d’entre
eux ont réellement existés. Tout l’enjeu ici est celui
du jeu. Qu’il s’agisse d’Abd El Kader ou de Napoléon
III nous devons retrouver le chemin d’une représentation
fidèle du réel. Dessins, photos, enregistrements sonores,
tout est bon pour connaître un personnage. Suivant son époque,
nos recherches sont plus ou moins fructueuses, mais elles sont toujours
exigeantes.
Le 23 novembre,
Une seule scène peut parfois, à elle seule, soulever de
multiples possibilités. C’est ce qu’il se produit lorsqu’Amélie,
Maud et moi nous reprenons la scène de l’exposition coloniale
internationale, laquelle échappe encore à l’écriture.
Après une nouvelle proposition, la scène ne nous convient
toujours pas. Alors nous en débattons tous ensemble. Finalement
c’est en revenant à notre structure dramatique que nous trouvons
la solution. Le chœur tragique ! L’intermédiaire entre
l’histoire et le spectateur depuis l’Antiquité ! Et
notre chœur est là, depuis le début, mais nous ne l’avions
pas encore remarqué. Il s’appelle Ali, Ahmed et Naïme,
3 personnages intemporels qui marquent le début de chaque acte.
DECEMBRE 2006
Les 7 et 14 décembre,
Cette semaine nous travaillons à l’écriture. Beaucoup
de scènes restent inachevées, souvent par manque d’informations
ou de précisions. Arnaud distribue les scènes et tout le
monde s’y met. Dans la salle à manger l’ambiance est
celle d’une bibliothèque. Nous nous replongeons dans les
livres, nous chuchotons près du poêle. Nous appelons Gherardo
et Sylvie Thénault, notre amie historienne, afin qu’ils se
renseignent de leurs côtés. Pendant ce temps Mathias découpe
des gradins en papier pour la maquette de la scénographie et Stéphane
s’entraîne
au violon à l’autre bout du pré. Arnaud et Amélie
rassemblent les différentes versions du texte et Moussa reprend
l’écriture de l’exposition coloniale internationale.
A la fin de la semaine,
le texte doit être achevé.
Le 20 décembre,
Aujourd’hui Gherardo est venu nous prêter main forte sur le
plateau. Et le thème du jour concerne notre chœur tragique
: Ali, Ahmed et Naïme. Pour Moussa, Maud et Amélie, les 3
serviteurs ont des couleurs écrues et violettes. Ils courent dans
tous les sens et se racontent les évènements selon 3 versions
différentes (comme les historiens d’ailleurs !). Pour Stéphanie,
Stéphane et moi, ils ont chacun un accessoire qui permet à
la fois de les relier et de les identifier : un balai, un plumeau, un
arrosoir. La scène est enlevée et nous prenons tous beaucoup
de plaisir à jouer ces personnages burlesques.
Le 21 décembre,
Au dernier jour avant les vacances de Noël nous partageons notre
temps de travail entre les répétitions et l’administration.
Dans la salle à manger, Moussa retourne à sa copie car il
n’a pas terminé l’écriture de l’exposition
coloniale internationale et il doit nous présenter la scène
ce soir. Dans la Grange je monte une scène de quotidien dans une
famille pied-noir à Oran avec Stéphane, Mathias et Stéphanie.
J’ai l’impression de jouer le personnage de ma grand-mère
à la naissance de ma mère et c’est assez émouvant
pour moi. Lorsqu’il avait écrit cette scène, Mathias
avait retrouvé le nom d’un quartier populaire de l’époque,
celui de la paroisse, et même la pointure du prêtre, le père
Pairel !
Une scène documentaire donc, où justesse et précision
sont de rigueur !
Soudain, dans la cour, nous voyons alors apparaître Maud et Amélie
en… pyjama ??!
Amélie porte même une barbe blanche et deux traits sous les
yeux ! Mais qui sont-elles ?
Qui sont-ils ? Non, non, elles ne jouent pas le Père Noël…
En 2 scènes et en 2 heures nous sommes passés de 1949 à
1830. Et ce n’est qu’un début.
JANVIER 2007
Le 10 janvier,
Après deux semaines de vacances, nous nous retrouvons tout frais,
tout neufs. Arnaud a besoin de nous voir dans certains rôles clés
du spectacle, pour achever la distribution. Alors c’est parti !
Durant deux jours et à raison de trois personnages par jour, nous
passons individuellement sur scène. Aujourd’hui nous jouons
trois hommes ! Et les filles parviennent à prouver finalement que,
oui, elles peuvent jouer des hommes et être tout à fait crédibles.
Postiches, coups de crayon et entraînement intensif de la voix.
Un costume et une cravate, le tour est joué ! Stéphanie
bataille pour obtenir le rôle de Clemenceau et ça tombe bien,
car elle l’incarne parfaitement. Alors…nous verrons bien.
Le 11 janvier,
Ce matin Ali, Ahmed et Naïme, nos trois serviteurs, sont de retour.
Mais pour apprivoiser ce trio, nous avons choisi de les aborder un par
un, afin de les faire exister indépendamment avant de les réunir.
Quelques éléments du texte nous servent d’appui (Naïme
adore les saucisses, par exemple), et pour le reste place à l’imagination.
Amélie propose que ce soit un serviteur qui conte les évènements,
Stéphanie propose que les serviteurs soient des femmes. Quant à
moi qui, je l’avoue, bataille pour obtenir un rôle de serviteur,
c’est vers Elvis et la comédie musicale que je me tourne.
Une chose revient pourtant dans la majorité de nos improvisations
: la lenteur !? Etrange proposition collective pour ce trio que nous imaginions
jusque là très enlevé. Tiens, tiens, aurions-nous
réussi à surprendre le metteur en scène ?
Le 17 janvier,
Cette semaine Arnaud arrive, tout fier, avec une nouvelle idée
de méthode de travail. Le filage entier du premier acte ! Hou là
là ! Il donne une distribution au hasard, ou presque. Et voilà
la danse des scènes qui commence…Nous tournoyons d’un
personnage à un autre. Nous inventons de nouvelles scénographies…
ha non ! En fait notre Grange est occupée par les travaux du Théâtre
et comme nous répétons dans la salle polyvalente de notre
village nous avons de petits soucis de dimensions spatiales. Ce n’est
pas grave, pour la première fois nous travaillerons donc la scénographie
sur maquettes. Revenons donc au filage de notre premier acte. L’enjeu
est de monter les scènes que nous n’avons pas encore vues,
de sentir si tout s’enchaîne bien et de repérer les
failles entre le texte et le plateau, s’il y en a. Et ouille ! Il
y a en a. Problèmes d’exposition de la conquête française
et soucis de rythmes. Pas si évident lorsque scènes imaginaires,
scènes réalistes et scènes symboliques dialoguent
et se succèdent. Hum ?…
Le 18 janvier,
Ce jeudi, filage du deuxième acte. Les questions restent sensiblement
les mêmes. Pourtant quelque chose se produit sur le plateau : le
spectacle apparaît, car l’acte se déroule tout seul.
Il devient même une référence pour la suite de notre
création. Les enchaînements entre les scènes sont
fluides et très forts. L’émotion monte parmi les spectateurs.
Enfin surtout la spectatrice. C’est Anne. Elle est sculpteur sur
pierres à la Neuville et aujourd’hui elle est venue dessiner
pendant les répétitions.
Le 24 janvier,
Il nous manque…l’acte III, bien sûr. Mais cette semaine,
pas de filage. Ce matin nous nous réunissons autour d’un
café pour réfléchir ensemble aux questions que nous
pose encore le dernier acte. Entre temps, Arnaud nous annonce qu’il
a décidé de supprimer la récurrence… des trois
serviteurs !!! Sniff ! Dur, dur. Nous reprenons donc la première
scène, l’exposition coloniale internationale sans Ali, Ahmed
et Naïme. Les objectifs de la scène réapparaissent
plus clairement, plus simplement. Pour le reste des scènes nous
nous partageons l’écriture. Amélie rassemble les textes
au fur et à mesure et à la fin de la journée, tout
est terminé. Il ne nous reste plus qu’à ranger, …mais
Stéphane esquive pour aller prendre un cours de violon chez Patrick.
Le 25 janvier,
Ce matin nous reprenons tout le texte et nous établissons la liste
des recherches à faire. Une nouveauté chez les Minuits :
la technologie sur scène ! Micros, amplis, ordinateurs. Mais bien
entendu, je ne vous dirai pas pourquoi, ni comment. Pour l’instant
Mathias et Stéphane se creusent la tête. Puis je croise Moussa
dans le bureau. Il regarde les photos de Messali Hadj, car c’est
lui qui incarnera l’indépendantiste algérien. Il y
a aussi Stéphanie, dans la cuisine, qui pousse de grands soupirs
d’admiration. Elle est plongée dans le livre d’Alphonse
Daudet, « Tartarin de Tarascon ». Cela vous dit peut-être
quelque chose, non ? Tout cela est donc bien avancé lorsque sonne
l’heure du repas.
Mercredi 31 janvier,
Aujourd’hui nous organisons une journée Spéciale-Recherches.
Documents photographiques, cinématographiques, radiophoniques,
il nous faut trouver un maximum de renseignements sur certains personnages
historiques afin de les restituer parfaitement. Quel âge ont-ils
? Barbe, moustache, rouflaquettes ? Costumes napoléoniens, robes
du 19ème.
Et la voix ? Comment fait-on l’accent alsacien ? Nous rassemblons
donc tout ce que nous trouvons et qui puisse nous aider à faire
vivre nos personnages qui semblent encore tout ensommeillés dans
les imposantes gravures de nos livres.
FEVRIER 2007
Lundi 19 février,
Après avoir quelque peu délaissé notre nouveau spectacle
pour quelques représentations exceptionnelles de notre George Dandin
à Paris, nous revenons pleins d’enthousiasme.
Et nous commençons à préparer la Couture, car la
semaine prochaine débute la confection des premiers costumes. Maud
et moi passons des heures et des heures à trier, jeter, ranger
des kilos et des kilos d’étoffes, de fils, d’épingles,
de vestes et de chapeaux. Notre trottoir est envahit de tissus en tout
genre et nous guettons l’arrivée des éboueurs de peur
qu’ils refusent de tout prendre avec eux ! Heureusement ils sont
de bonne humeur et nous aussi, alors ils repartent avec nos 18 tonnes
de tissus. Non, je n’exagère pas, enfin peut-être un
peu…
Mercredi 21 février,
La semaine prochaine, Spéciale-Couture ! Voyons un peu ce qu’il
nous manque…
Hoooo ! Mais nous n’avons toujours pas de distribution, dites donc
! Aïe ! Heureusement je vois Arnaud partir dans sa maison, il va
y travailler à l’abri des regards et surtout des lobbyings.
Pendant ce temps là les 4 filles du Dr Marchent, car Maud, Stéphanie,
Amélie et moi nous essayons une par une toutes nos paires de chaussures
en rêvant aux rôles du spectacle ou en inventant d’autres
rôles lorsque de belles chaussures nous inspirent.
Jeudi 22 février,
Normalement je ne dois pas vous raconter cette journée, car nous
ne travaillons pas à l’Algérie. Mais j’ai décidé
de transgresser cette règle et cela pour deux raisons : la première
est que c’est le jour de mon anniversaire ! Et la deuxième,
que nous recevons …LA DISTRIBUTION !
Ha tout le monde en est content on dirait. Arnaud, épuisé,
est tout ému et tout fier de lui.
Que puis-je vous dire, je ne peux pas vous donner la liste en douce, non,
non. Par contre je peux vous raconter que ce spectacle met les hommes
à l’honneur et que donc deux conséquences :
les garçons auront de très beaux et grands rôles de
grands hommes, les filles joueront aussi des hommes. Autant vous dire
que nous allons bichonner les quelques rôles de femmes du spectacle.
Le lieutenant de Stéphane
MARS 2007
Lundi 26 février au jeudi 1er mars,
Aujourd’hui je vous raconte la semaine, parce que c’est la
semaine Spéciale-Couture !
Alors les couturières commencent par les soldats. Eh oui, première
partie, la conquête et donc il y a plein de soldats. Même
pas un peu de femm...! Non que des soldats ! Stéphane monte et
descend et monte et descend et remonte en couture pour les mesures. Mais
cela ne semble pas perturber son travail de story-boarder de la scénographie
qu’il dessine entre poses. Mathias est caché dans l’atelier,
nous ne le voyons presque pas de la semaine! Mais que fabrique t’il
? J’y suis allée avec
un appareil photo, alors je vous laisse deviner…
Et comme à mon habitude voici mon
petit portrait sur Moussa, qui est toujours en cuisine, penché
sur son ordinateur, Madonna à fond dans les oreilles et qui termine
d’écrire les deux scènes qui
nous manquent. Je ne sais pas bien ce que cela va donner, je fais toute
confiance à notre Grand Ecrivain, mais j’ai quand même
un peu peur de nous retrouver costumés en cow-boys !
Alors, on verra bien…
Le
14 mars,
Aujourd’hui,
répétition toute la journée dans la salle polyvalente
de la Neuville sur Essonne. Deux scènes n’ont pas encore
été distribuées, les scènes 1 des actes I
et II.
Ce sont deux scènes d’ouverture, alors autant vous dire qu’elles
ne sont pas des plus simples. Nous nous y mettons tous ensemble. Nous
commençons avec les trois serviteurs du Dey :
Ali, Naïme et Ahmed. Deux bouts de tissus suffisent, les comédiens
inventent le reste. Seulement les comédiens ? Non, car aujourd’hui
un nouvel élément vient se joindre à notre création
et pas des moindres : Ambroise est musicienne et compositeur. Elle fait
désormais partie de l’aventure de ce spectacle. Munie de
sa harpe et de son violon, elle apprivoise les comédiens sur le
plateau. Les douces notes d’Ambroise emplissent la salle et notre
jeu de nouvelles vibrations. L’ambiance musicale nous donne le ton
théâtral et transforme l’espace. Le palais du Dey devient
immense et la voix des serviteurs résonnent dans ses couloirs,
couloirs, couloirs…La comédie musicale n’est pas loin
!
Le 21 mars,
Avec
les beaux jours des mois de mars et d’avril arrivent aussi tournée
et représentations. Le rythme de la création ralentit, il
nous faut donc être très efficaces. Ambroise est là
et avec son aide nous abordons la scène 1 de l’acte II, celle
de Tartarin de Tarascon. Moussa nous donne sa dernière version
et nous propose l’idée d’une opérette.
Pour la première fois nous formons un chœur autour du personnage
de Daudet.
Sur les conseils de notre musicienne préférée nous
finissons par trouver le ton juste.
Mais malgré nos voix pour le moins magnifiques, Arnaud doute du
bien-fondé de l’opérette dans cette scène.
Nous faisons de notre mieux, le reste fait son petit bonhomme de chemin
dans la tête du metteur en scène… Nul doute alors qu’il
faudra s’attendre à quelques nouvelles surprises pour le
joli mois de mai !
AVRIL 2007
Suspension exceptionnelle des répétitions pour cause de
tournée en Tunisie ; on en profite pour organiser de futures représentations
de notre création au Maghreb. A suivre...
MAI 2007
Le 9 mai,
Pour ce retour à la création nous sommes sur les charbons
ardents. Il ne nous reste que 8 semaines avant les grandes vacances et
tout est encore à faire. Aujourd’hui nous nous attaquons
au filage de l’Acte III que nous n’avons encore jamais vu
sur le plateau. Nous sommes un peu inquiets, car nous n’avons avec
nous que quelques bribes de costumes et le texte. Aucune répétition
n’est prévue, nous nous mettons d’accord 5 minutes
avant notre entrée en scène. Nous sommes un peu sceptiques.
Et puis, au fil des scènes qui se dessinent et à notre grande
surprise, l’émotion est là. Le rythme s’impose
de lui-même, soutenu par la mélodie continue d’Ambroise
qui nous accompagne désormais à l’oud, le luth oriental
acheté lors de la tournée tunisienne. Au bout de trois quarts
d’heure, Arnaud esquisse un large sourire, il est conquis et tout
fier. Et maintenant… il nous reste encore tout à faire !
Le 10 mai,
Depuis notre retour de tournée, la priorité est à
la création des costumes, plus de 70 en tout. La moitié
concerne le troisième acte, c’est-à-dire le 20ème
siècle. Stéphanie, notre responsable costumière,
croule sous l’ampleur de la tâche et même si elle bénéficie
de l’aide de Maud et d’Amélie, il nous faut prendre
des mesures complémentaires édictées par les circonstances.
Nous contactons donc quelques amies couturières pour la confection
des costumes les plus anciens et les plus complexes. Nous décidons
que chaque comédien sera dorénavant responsable de ses propres
costumes et accessoires. Alors nous retournons à nos livres et
nos tableaux de référence : il faut soigner chaque détail,
ce spectacle requiert toute notre vigilance et toute notre exigence.
Le 14 mai,
Les travaux dans notre Grange nous empêchent toujours de nous y
installer pour travailler, alors en attendant nous nous attaquons aux
difficultés scénographiques du spectacle afin de ne pas
nous retrouver coincés par le temps. Mathias et Moussa partent
donc en direction de l’atelier pour continuer les décors
en papier mâché… (À vous de deviner de quoi
il s’agit !).
Pendant ce temps là Stéphane poursuit le story-board de
l’épopée d’Abd El Kader sous l’œil
attentif d’Arnaud. Maud et moi, nous nous attaquons pour la troisième
fois à une scène encore problématique, la scène
des bouchers de l’armée française. Evidemment la représentation
du sang au théâtre est une de nos grandes interrogations
depuis le début de cette création, et ce jour là,
Maud et moi trouvons enfin une solution. Bien entendu vous comprendrez
que je ne puisse pas vous en dire plus pour le moment…
Moussa à la construction des décors
Le 16 mai,
Notre bibliothèque à nous est trop petite !!! Nous ne parvenons
pas à combler toutes les lacunes historiques qui nous manquent
encore pour les costumes. Alors tout le monde en voiture direction la
bibliothèque du centre Georges Pompidou à Paris. Nos cahiers
et stylos à la main, nous revoici étudiants l’espace
d’une journée ! Nous arpentons les rayons d’histoire,
celui des arts et celui des sciences sociales. Nous prenons d’assaut
le rayon sur l’histoire de l’Algérie de 1830 à
1954. Nous finissons par établir un campement au pied de la photocopieuse.
Ce n’est qu’autour des 21h que nous retrouvons nos pénates
neuvillois.
Le 23 mai,
Après notre excursion à Beaubourg Arnaud s’est aperçu
d’une imprécision historique dans l’une de nos scènes.
Tandis qu’il en reprend l’écriture, Amélie et
moi archivons nos nouveaux documents. Stéphanie travaille à
l’administration de la troupe : elle cherche des subventions pour
la restauration de notre théâtre, car sans cela nous ne pouvons
pas jouer L’Algérie. Nos deux axes prioritaires de la scénographie
et de la couture sont donc quelque peu désertés, d’autant
plus que cette semaine Moussa est malade. Mathias et Stéphane continuent
la construction des décors et Maud reprend le flambeau de l’organisation
des costumes. Elle dresse une liste complète que tout ce qu’il
nous reste à faire et des responsabilités de chacun.
Le 24 mai,
Aujourd’hui même chose qu’hier, on termine ce que nous
avons commencé. Arnaud demande à Mathias de construire une
maquette de notre Grange afin d’anticiper la scénographie
générale du spectacle. Stéphane, lui, continue le
story-board des scènes.
Story-board de l’épopée d’Abd El Kader
Le 28 mai,
C’est parti pour le branle-bas de combat ! Les hommes à la
scénographie et les femmes, à la couture. Arnaud, Moussa
et Mathias déterminent la scénographie complète du
spectacle à partir de la maquette de Mathias. Stéphanie
et Maud partent en réunion toutes les deux pour boucler l’organisation
de la couture et Amélie commence à rassembler les costumes
de ses personnages. Quant à moi je range la salle de couture afin
de nous dégager un espace spécialement dédié
à L’Algérie. Autant vous dire qu’après
avoir déplacé près de 300kg de tissus je marche courbée
et je tire un peu la langue ! Cependant je n’en suis pas encore
au point de Stéphane qui est tombé malade à son tour.
Nous reprendrons les répétitions en août
alors rendez-vous en septembre pour la suite !
Bonnes vacances !
Et voilà la rentrée du journal de répétition
!
AOUT 2007
Le
chantier de la Grange à la rentrée
Semaine du 06 au 12 août,
Nous sommes revenus de vacances !!!
Vacances quelque peu studieuses pour certains d’entre nous qui supervisaient
encore les travaux de la Grange. Le sol a été recreusé
de 70 cm en vue de l’installation du chauffage et du coulage de
dalle. Mais voilà, les ouvriers sont tombés sur plusieurs
bans de roches.
Alors à la rentrée nous nous sommes équipés
de marteaux piqueurs, de burins et de brouettes. Durant 6 jours nous avons
usé nos genoux sur les cailloux. Une fois le niveau rétabli,
nous avons tapissé le sol de sablon. Nos chats, à leur grand
regret, ont vite compris que cet espace sacré ne leur était
pas dédié. Le Cerbère de la Grange est intransigeant
!
Donc nous nous sommes réapproprié notre salle de répétition.
Il ne reste que 3 semaines avant la reprise des travaux, alors la création
repart, les pieds dans le sable et la tête dans les étoiles.
Lundi 13 août,
Ce mois-ci nous accueillons 4 jeunes costumières. Avec plus de
80 costumes dans le spectacle, autant dire qu’elles sont notre salut.
Rassurés nous commençons par une lecture du texte. Lla première
scène est enfin distribuée. Nous avons nos 3 serviteurs
du Dey d’Alger ! Nous y passons la journée, car il est inutile
de vous dire que nous accordons une attention toute particulière
à cette ouverture spectaculaire. Nous retrouvons avec plaisir le
goût des gags et des tours de magie, le plateau ressemble à
une cour de récréation.
Mardi 14 août,
Dehors il tombe des cordes. Heureusement, dans la Grange, nos tentures
reflètent une douce lumière de soleil levant et c’est
agréable de venir y travailler tous les matins. La mise en scène
des serviteurs du Dey nous demande encore un peu de réflexion,
mais très vite nous passons à la scène suivante,
puis à la scène suivante, et à la scène suivante,….
Mercredi 15 août,
Aujourd’hui nous terminons la mise en place de l’acte I. Nous
assistons au défilé de plusieurs militaires sur le plateau.
Les généraux ont la part belle dans leurs beaux costumes
de conquérants.
Jeudi 16 août,
Visite officielle des Minuits au château de Versailles, n’est
ce pas ! Notre ami Benoît nous ouvre les salles d’Afrique.
Auparavant nous avons accepté de prêter nos voix aux personnages
de la cour de Louis XVI et de Marie-Antoinette pour les journées
du patrimoine. En 2 heures notre mission est accomplie. Les salles d’Afrique
s’ouvrent devant nous comme la caverne d’Ali Baba. Elles retiennent
jalousement les œuvres d’Horace Vernet retraçant toute
la conquête de l’armée française en Algérie.
Nos yeux émerveillés s’évadent et dévoilent
enfin chaque détail de la prise de la Smala. Nous sommes minuscules
face à ce gigantesque tableau de 22 mètres de long.
Les
Minuits dans les salles d’Afrique de Versailles
Au bout de quelques temps, Benoît nous tire de nos
rêveries et nous emmènent visiter le domaine de Marie-Antoinette.
Il pleut toujours et nous nous réfugions dans une grotte. Ambroise
prend son oud et commence à jouer. Le temps semble se suspendre…
Bientôt la pluie cesse et nous reprenons notre promenade, direction
le petit théâtre de la Reine. Cette magnifique visite privée-
rien- que- pour- nous, nous est proposée par Bertrand. Il n’y
a pas un recoin du théâtre qui ne lui est étranger.
Dans les entrailles de la machinerie du petit théâtre, Bertrand
nous parle tel le capitaine d’un navire.
Tant de magnificence en une seule journée nous donnerait presque
envie maintenant d’assister un concert de rock et de boire de la
bière.
De retour à la ferme, le sommeil ferme doucement nos yeux rassasiés.
Vendredi 17 août,
Laure et Aude, 2 de nos jeunes costumières, repartent le midi.
Arnaud organise donc un défilé en salle de répétition.
Il faut vous avouer qu’elles ont fait un travail remarquable durant
5 jours. Enfin vous verrez bientôt par vous-même.
Trêve de contentement, revenons à nos chameaux et au rêve
de Napoléon III. Pour ceux qui ont suivi la Forteresse, sachez
que Mathias a pris du galon, il n’est plus ministre de l’intérieur,
mais empereur. Les scènes se montent à la vitesse de la
lumière, à croire que Versailles nous a inspiré.
Les femmes sont à l’honneur cette fois-ci : une mère
kabyle berce son enfant, deux dames du monde pique-nique avec leurs maris,
une alsacienne se lamente face au nuage de sauterelles dévastant
sa récolte. A propos, sachez que Maud, notre alsacienne en titre,
est allée en Alsace cet été. Elle a assisté
aux danses traditionnelles et a appris à porter le fameux nœud
alsacien grâce à Jeannine. Ca peut toujours servir ! En voici
la preuve.
Maud en vacances chez Jeannine
Samedi 18 août,
La première scène de l’acte II n’est ni montée,
ni distribuée. Il s’agit de l’arrivée de Tartarin
de Tarascon à Alger. Nous nous réunissons, mais nous hésitons
encore.
La mise en scène qui s’impose est l’opérette,
seulement nous n’avons jamais monté d’opérette
et cela nous demanderait des centaines d’heures de travail supplémentaires.
Bon, opérette ou non ? Opérette…ou pas ! Ambroise
est là et elle peut composer la musique ! Ce sera donc une opérette
! Avant la fin de la journée nous avons la distribution des 7 personnages
hauts en couleurs.
Lundi 20 août,
Aïe, Aïe, Aïe, les oreilles !!! Nous chantons juste ou
enfin presque. Sous la direction d’Ambroise nous commençons
à trouver le ton, tout en découvrant le texte bien sûr.
Au bout d’une journée de « Voiciiiiiiiii AAAAAAlger
! » Arnaud sort un peu écoeuré de cette répétition
musicale. Et oui, l’opérette ça rend un peu bizarre
à la longue.
Mardi 21 août,
Acte III. Aujourd’hui les plus présents sur la scène
du Théâtre des Minuits, ce sont les morts. Nous abordons
les répressions de la manifestation de Sétif en 1945. Stéphane,
Maud, Mathias, Moussa, Stéphanie et moi jouons chacun 5 rôles
en l’espace de quelques minutes. Les tentures se lèvent,
s’abattent, dévoilent, s’envolent, tranchent. Elles
deviennent autonomes et capricieuses.
Mercredi 22 août,
De la pluie, de la pluie et toujours de la pluie. Comme partout en France.
Les instruments de musique d’Ambroise sont humides. Il fait très
froid et la dépression s’installe insidieusement.
Je suis en couture et je m’acharne à confectionner un beau
chapeau de dame du 19ème siècle. Je n’ai jamais fait
de chapeaux, mais étrangement ça fonctionne. Je descends
donc à la cuisine, hautement satisfaite de mon œuvre, afin
d’annoncer aux autres que j’ai découvert, toute seule,
le secret ancestral de la confection d’un chapeau. Je trouve Arnaud,
Ambroise et Amélie, l’air abattu devant leur tasse de café.
Malheureusement ma découverte miraculeuse ne leur remonte pas vraiment
le moral.
Enfin en couture ça va. Elodie travaille d’arrache pied depuis
2 semaines : pantalons en tous genres, veste de l’empereur, robe
à tournure, elle sait tout faire. Notre stagiaire, Olivia, conçoit
un costume de music-hall, chuuut surprise.
Il pleut encore, mais nous parvenons à la fin de l’acte et
même à la fin du spectacle avec l’exodos. « Ouf
! Maintenant il ne reste plus que des centaines d’heures de travail
» nous dit Arnaud, rassurant.
Jeudi 23 août,
Avec une semaine d’avance relative sur notre planning, il nous faut
passer à la scénographie définitive. Enfin, Mathias,
doit passer à la scénographie définitive. Cloîtré
au bureau devant de petits dessins obscures et mystérieux, son
visage se tord de grimaces impossibles. Il marmonne des formules incompréhensibles
pour nous autres. On n’osa à peine lui parler, et pas à
moins d’un mètre. Seul Arnaud est parfois convié à
entrer avec lui dans ce dédale de tentures, de gradins et de poulies.
Vendredi 24 août,
D’autres ateliers se mettent en place et envahissent la ferme. Les
petits cousins d’Arnaud participent à l’atelier de
papier mâché sous le regard pédagogique de Moussa.
Leurs petits sourires disparaissent presque sous l’immense table
de l’atelier.
Stéphane et moi décalquons les dessins du Karagöz dans
la Grange. Qu’est-ce qu’un Karagöz me direz vous ! Il
s’agit d’une technique de théâtre d’ombres
ou plutôt de marionnettes projetées sur un écran.
Cette invention géniale nous vient de Turquie et on pouvait trouver
de tels spectacles dans l’Algérie du 19ème siècle.
Cette forme d’expression théâtrale va nous permettre
de raconter toute l’épopée d’Abd el Kader en
l’abordant du point de vue de la propagande Louis- Philippienne.
Cette scène s’inscrit dans la logique de notre spectacle,
puisque notre objectif est de raconter une Algérie de 1830 à
1954 à travers le prisme de l’imagerie et des fantasmes de
l’époque. Je peux vous dire que tout cela est très
enthousiasmant.
Le général Boyer
SEPTEMBRE 2007
Samedi 1 septembre, dimanche 2 septembre, lundi 3 septembre, mardi 4 septembre,
jeudi 5 septembre, etc ....,
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Vous l’aurez compris
nous sommes en création continue, sept jours sur sept. En tant
que envoyée spéciale dévouée du journal des
répétitions, je profite du peu de temps qu’il me reste
pour vous donner des nouvelles.
Nous sommes à J -13 de notre première inauguration privée
pour le village. Les travaux de notre Grange évoluent en parallèle
de notre création. Mais le coulage des dalles et la pose du plancher
chauffant ne nous ont pas permis de répéter dans notre théâtre
depuis plusieurs semaines. Pas de panique, nous serons prêts ! En
attendant nous avons fait tout le reste.
Depuis trois jours, Maud coud des mètres et des mètres de
tissus. Avec plus de 400 m d’ourlets et des tentures de 17 m de
long, nous avons dû réquisitionner la grange des parents
d’Amélie à Yèvre le Châtel. Nous ne leur
avons pas vraiment laissé le choix et nous avons poussé
leurs affaires pour faire de la place. Il faut dire aussi que l’atelier
karagöz, avec ses gigantesques peintures de calque, était
déjà installé dans leur grange. Et puis comme si
cela ne suffisait pas nous avons aussi pris d’assaut l’écurie
et le jardin pour la menuiserie. Leurs repas du dimanche entre amis en
ont été quelque peu perturbés. Enfin nous avons soudoyé
Edouard qui a dû nous refiler sa réserve personnelle de gâteau
Ikea afin qu’on ne tombe pas en hypoglycémie. Mais nous ne
sommes pas ingrats, la famille Schmitt est invitée ad vitam eternam
dans notre théâtre.
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Pas de panique, nous serons prêts !
A la Neuville, Mathias commence à installer la scénographie.
A force de souffler dessus, la dalle a séchée et nous pouvons
maintenant y marcher. La charpente de la Grange ressemble de plus en plus
à celle d’un bateau. Mathias n’a de cesse d’y
accrocher les poulies et les cordes des 32 tentures de notre décor.
Le bureau aussi est en effervescence. Le livre d’Une Algérie
1830 – 1954 sortira en même temps que le spectacle, et Arnaud
et Amélie repassent le texte au peigne fin. Ils traque lé
longueur et lés fotes d’hortaugrafes. Pas de panique, nous
serons prêts !
Moussa a été désigné responsable en chef des
accessoires et des postiches. Sachez que la confection d’une moustache
réutilisable 100 fois, c’est un casse tête chinois.
Quant à moi j’alterne entre la réalisation du karagöz
et …les chapeaux, pour changer. Heureusement les bénévoles
se relaient à nos côtés. Oh, heureusement ! Ma petite
cousine, Séverine, nous a rejoint pour deux mois. Elle est pleine
d’énergie et d’enthousiasme, ça fait du bien.
(Mais bien sûr, je ne suis pas la plus objective).
Pour finir sachez que tout cela coûte de l’argent, cela même
si nous sommes les rois du système D. Stéphanie s’est
attelée à la recherche permanente des subventions. Elle
tourne à la gelée royale, comme beaucoup d’entre nous
d’ailleurs : ginseng, acérola, gingembre, guarana,…
Voilà, vous connaissez désormais notre secret !
Pas de panique donc, nous serons prêts ! J’espère que
vous serez vous aussi au rendez-vous durant tout le mois de novembre.
J’y retourne maintenant, parce qu’il va falloir que nous soyons
prêts !
OCTOBRE & NOVEMBRE 2007
Certains d’entre vous le savent déjà…et
oui, nous avons dû reporter l’ouverture de notre théâtre
d’une semaine. Les travaux de la Grange ayant pris du retard (comme
sur tout chantier qui se respecte) nous avons également pris du
retard ! Qu’à cela ne tienne, nous avons utilisé cette
semaine supplémentaire pour améliorer le spectacle.
La dernière ligne droite a donc été consacrée
aux répétitions générales du spectacle. A
la fin de notre premier filage, « L’Algérie 1830-1954
» durait encore 2h20. Houlà ! Nous savions tous qu’il
y avait là une demi heure de trop, une demi heure de changements
décors non maîtrisés et qu’il fallait améliorer
tout ça au plus vite.
Le jour de la première pour les habitants du village, nous avons
redoublé d’efforts tandis que 2h avant l’entrée
du public nous répétions toujours. Et ce soir là,
ho miracle, le spectacle a atteint une durée raisonnable de 2h
!
Les spectateurs ont applaudit longtemps. Ces trois derniers mois de travail
acharné me repassaient devant les yeux à l’allure
d’un train à grande vitesse. Au bout du tunnel le spectacle
était là ! Et les spectateurs aussi ! Nous entrions désormais
dans une nouvelle période, celle des festivités, du jeu,
des représentations et des retrouvailles avec notre public.
Le théâtre était maintenant ouvert et chaque inauguration
apportait avec elle plus d’émotion ; le spectacle déployait
ses ailes et devenait plus dense, plus intense.
Le soir de la troisième inauguration, donnée en l’honneur
des officiels, un spectateur n’a pas pu contenir son émotion
jusqu’à la fin. Depuis les coulisses nous l’avons entendu
glisser précipitamment à l’oreille de sa femme : «
C’est parfait ! C’est parfait !!! ». Lors des saluts
il a prit rapidement la parole : « Je ne vais pas dormir cette nuit
! Vous m’avez rappelé tant de choses… ». Les
larmes au bord des yeux nous avons achevé les inaugurations ce
soir là.
Aujourd’hui la Grange est ouverte au public. Depuis trois semaines
les journaux diffusent largement l’info et notre théâtre
se remplit peu à peu, bénéficiant de la technique
traditionnelle du bouche à oreille. Nous avons repris un rythme
de travail ordinaire, revenant à une certaine routine qui n’est
pas déplaisante. Nous continuons à répéter
chaque jour, poussant ainsi le spectacle vers sa métamorphose complète,
vers sa représentation idéale afin d’offrir ce que
nous savons faire de mieux au nouveau public du Théâtre des
Minuits.
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